٤ ESPACES INSULAIRES, ESPACES PARODIQUES
Post-face du livre d'artiste
L'Ile d'A.,
Pierre-Marie Drapeau-Martin.
« De son lecteur, comme de son critique, Elsa Morante attend un rapport direct et frontal. Elle veut être regardée immédiatement droit au visage, par des yeux qui ne s’attardent pas à l’espionner à travers des objectifs ou des superstructures. » (1) Avec cette prémisse nous nous approchons de
L’Île d’Arturo (2), histoire du passage tumultueux de l’adolescence à l’âge adulte. Arturo Gerace naît et vit à Procida son enfance et son adolescence. Orphelin de mère, il investit la figure paternelle d’une aura chevaleresque et le territoire de d’île prend pour lui une valeur de lieu légendaire, où la frontière entre mythe et réalité devient fuyante. Les voyages du père, l’amour pour la belle-mère et la rage adolescente sont racontés par Arturo à travers le prisme de sa propre inconscience. Seulement après avoir réussi à établir un point de contact avec le réel, inévitablement douloureux, Arturo choisit d’abandonner Procida et son enfance.
L’Île d’A. de Pierre-Marie Drapeau-Martin explore et traduit le parcours d’Arturo par le biais d’un objectif photographique. Le résultat n’est ni illustratif, ni analytique, il s’agit au contraire de l’évocation sensible d’une quête d’affirmation identitaire. Arturo cherche à interpréter la réalité, mais il l’altère puisqu’il la charge de significations mythologiques. Si Elsa Morante nous invite à poser un regard frontal sur le compte-rendu d’une altération, les distorsions optiques d’une caméra s’avèrent être un excellent support. Les photographies de Pierre-Marie Drapeau-Martin se focalisent sur l’aspect poétique de ce détournement. Un tas de sable qui évoque une île, ou peut-être une forme organique, et la main qui le façonne. Un groupe d’adolescents qui jouent entre les ondes d’une mer dense et grise. Le détail d’une surface rocheuse consommée par le sel. Et puis des images de constructions en métal, en bois, en marbre, qui suggèrent une idée de fragmentation et de structuration.
La volonté de traduire en images l’espace insulaire est centrale dans cette recherche. L’île d’Arturo est le territoire idéalisé des jeux d’enfance et en tant que tel il se place dans la géographie indéfinie des souvenirs individuels. Sa nature inaccessible et sauvage en fait une
tabula rasa où il est possible de projeter ses pulsions les plus profondes. Réussir à conquérir ce territoire équivaut à les dominer. Les photographies de
L’Île d’A. sont le fruit d’une déambulation entre la Turquie, l’Italie et la Grèce et nous renvoient à un espace imaginaire, produit par leur superposition. D’abord introduit topographiquement, il prend la forme minérale des rochers pour ensuite muter en un univers végétal et sous-marin. La diversité des techniques utilisées (photographie numérique et argentique, sousmarine et aérienne, en noir et blanc et en couleurs) évoque les différentes tentatives d’appropriation du territoire ainsi qu’un archipel de perceptions.
L’espace insulaire s’anime de figures humaines et animales. Ces personnages n’ont pas une valeur proprement narrative, mais suggèrent des actions précises. Une jeune femme pénètre à l’intérieur d’une grotte, un groupe de chiots creuse la terre d’un cimetière, deux jeunes hommes montent sur les hauteurs d’un volcan. Chacun d’entre eux explore le territoire, à partir des profondeurs terrestres et marines pour arriver à l’élévation sur le Vésuve. Cette tension verticale peut être lue en termes métaphoriques – Arturo est très fier de son prénom, qui lui vient d’une étoile. Le mouvement entre le haut et le bas mime également le déploiement de la structure narrative, ouvertement centripète, pour laquelle le héros dirige toutes ses énergies vers une temporalité antérieure, les entrailles maternelles, et finit par s’en distancier. Arturo creuse compulsivement ses propres racines, non pas à la recherche d’une vérité, mais d’une série de symboles. Symboles qui sont largement présents dans
L’Île d’A. : la tête de Méduse, la carte du ciel et les constructions jouent le rôle d’indicateurs et de fétiches, ils conduisent le protagoniste à l’élévation finale.
Ce livre veut être une libre évocation du roman d’Elsa Morante. Même s’il ne s’agit pas d’une adaptation fidèle, il est inévitable de se demander ce qui a été perdu de l’œuvre matrice et de questionner la valeur ajoutée de sa traduction. Nous savons qu’Elsa Morante entretenait un rapport ambivalent avec les images - trois fois l’autrice entama et abandonna le projet de réaliser des scripts cinématographiques (3) . Elle collabora également avec Franco Zeffirelli et exerça un fort ascendant sur Pier Paolo Pasolini. En 1962, Damiano Damiani réalisa une adaptation cinématographique de
L’Île d’Arturo (4) , qui lui ne plut pas. Bien que décent, le film est un produit hybride, pas totalement fidèle et pas totalement indépendant du roman. Elsa Morante est perturbée par la lecture moraliste de la relation père-fils et par les choix des acteurs. Elle déclare : « Le film que Damiani a tiré de L’île d’Arturo est beau, mais les personnages sont modifiés. Le père, par exemple, est présenté comme un méchant. Au contraire, je ne peux pas juger mes personnages et j’ai besoin de les pardonner avant de les décrire. » (5)
Les photographies de Pierre-Marie Drapeau-Martin suivent une voie parallèle à la narration et conservent une délicatesse enfantine qui frappe. Par moments mélancoliques ou espiègles, elles indiquent leur sujet sans le nommer et sans l’ombre d’un jugement. Elles veulent évoquer la fascination d’Arturo pour son île, ses perceptions et ses états d’âme, et non reconstituer le roman dans son entièreté. Il en résulte une constellation d’images variées, entre paysage et souvenirs d’enfance. Tout souvenir nous renvoie au passé, et la mémoire devient ici un outil de mise à l’écart. Cette distanciation s’explicite au moment de l’épilogue, quand, en quittant Procida, Arturo demande à Silvestro d’épargner la dernière image de l’île.
L’Île d.A. respecte cette volonté et termine par une photographie du ciel, réalisée lors d’un vol aérien. Hommage indirect au réalisateur le plus proche d’Elsa Morante, Pier Paolo Pasolini, et à son court métrage
Qu'est-ce que les nuages ? (6) : après un spectacle, les marionnettes Otello et Iago sont jetées dans une décharge et observent pour la première fois le monde au-delà du théâtre. Les nuages, objets fascinants et intouchables, captivent instantanément leur regard. Nous ne connaissons pas le destin d’Arturo au-delà de Procida, mais nous pouvons imaginer le même étonnement sensible face au réel.
Carolina Zaccaro
Paris, mars 2017
(1)
La Stanza Separata, Cesare Garboli, Mondadori, Milano 1969 p.1
(2)
L’île d’Arturo, Elsa Morante, Editions Gallimard 1963
(3) Elsa Morante travailla au script de de
Il diavolo (1939),
Miss Italia (1949) et
Verrano a te sull’aure (1957). Dans le premier cas, l’autrice-même quitta le projet. Le reste de ses scripts ont été jugés difficilement commercialisables et n’ont jamais été produits.
(4)
L’île d’Arturo, Damiano Damiani, 1962
(5) Andrea Barbato, L’espresso, 1962
(6)
Qu'est-ce que les nuages ?, Pier Paolo Pasolini, 1967
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SPAZI INSULARI, SPAZI PARODISTICI
Post-fazione del libro d'artista L'Ile d'A.,Pierre-Marie Drapeau-Martin.
« Dal proprio lettore, come dal proprio critico, Elsa Morante si aspetta un rapporto diretto e frontale. Desidera essere riconosciuta subito in viso, da sguardi che non s’attardino a spiarla attraverso lenti o schemi. » (1) Con questa premessa ci si approccia all’Isola di Arturo (2) , storia del passaggio tumultuoso dall’adolescenza all’età adulta. Arturo Gerace nasce e vive a Procida la propria infanzia e adolescenza. Orfano di madre, investe la figura paterna di un’aura cavalleresca e il territorio dell’isola assume per lui la valenza di luogo leggendario, dove il confine tra mito e realtà diventa labile. I viaggi del padre, l’amore per la matrigna e la collera adolescenziale vengono raccontati da Arturo attraverso il prisma della propria inconsapevolezza. Solo dopo essere riuscito a stabilire un punto di contatto con la realtà, inevitabilmente dolorosa, Arturo sceglie di abbandonare Procida e la propria infanzia.
L’Île d’A. di Pierre-Marie Drapeau-Martin esplora e riadatta il percorso di Arturo attraverso una lente fotografica. Il risultato non è né illustrativo né analitico, si tratta al contrario dell’evocazione sensibile di una ricerca di affermazione identitaria. Arturo cerca di interpretare la realtà, ma la altera caricandola di significati mitologici. Se Elsa Morante ci invita a posare uno sguardo frontale sul resoconto di un’alterazione, le distorsioni ottiche di una macchina fotografica possono rivelarsi un ottimo mezzo di supporto. Le fotografie di Pierre-Marie Drapeau-Martin si focalizzano sull’aspetto poetico di questo détournement. Un cumulo di sabbia che evoca un’isola, o forse una forma organica, e la mano che lo modella. Un gruppo di adolescenti che gioca tra le onde di un mare denso e grigio. Il dettaglio di una superficie rocciosa consumata dal salino. E poi immagini di costruzioni in metallo, legno, marmo, che suggeriscono un’idea di frammentazione e strutturazione.
La volontà di tradurre in immagini lo spazio insulare è centrale in questa ricerca. L’isola di Arturo è il territorio idealizzato dei giochi d’infanzia e come tale si colloca nella geografia indefinita dei ricordi individuali. La sua natura inaccessibile e selvaggia fa di lui una tabula rasa dove è possibile proiettare le pulsioni più profonde. Riuscire a conquistare questo territorio equivale a dominarle. Le fotografie de L’Île d’A. sono frutto di una deambulazione tra Turchia, Italia e Grecia e ci rinviano ad uno spazio immaginario, prodotto da una sovrapposizione. Dapprima introdotto topograficamente, assume la forma minerale delle rocce per poi trasformarsi in un universo vegetale e sottomarino. La diversità delle tecniche utilizzate (fotografia digitale e analogica, aerea e sottomarina, in bianco e nero e a colori) evoca i vari tentativi di appropriazione del territorio e suggerisce un arcipelago di percezioni diverse.
La volontà di tradurre in immagini lo spazio insulare è centrale in (fotografia digitale e analogica, aerea e sottomarina, in bianco e nero e a colori) evoca i vari tentativi di appropriazione del territorio e suggerisce un arcipelago di percezioni diverse. Il paesaggio insulare viene animato da figure umani e animali. I personaggi non hanno un vero e proprio valore narrativo, ma suggeriscono delle azioni precise. Cosi una giovane donna penetra in una grotta, un gruppo di cani scava con le zampe il suolo di un cimitero, due ragazzi montano sulle pendici di un vulcano. Ognuno di loro esplora il territorio, dalle profondità terrestre e marine all’elevazione sul Vesuvio. Questa tensione verticale può essere letta in termini metaforici – Arturo è molto affascinato dal proprio nome, che è quello di una stella. Il rapporto tra alto e basso mima ugualmente lo sviluppo della struttura narrativa, apertamente centripeta, per cui l’eroe dirige le proprie energie verso una temporalità antecedente, un grembo materno, e finisce per prenderne le distanze. Arturo scava compulsivamente nelle proprie radici, non alla ricerca di verità, ma di simboli. Simboli che sono largamente presenti: la testa di Medusa, la carta del cielo, le costruzioni funzionano come indicatori e feticci e conducono il protagonista all’elevazione finale.
Questo libro vuole essere una libera evocazione del romanzo di Elsa Morante. Pur non trattandosi di un’adattazione fedele, è inevitabile domandarsi cosa sia andato perso dell’opera matrice e quale sia il valore aggiunto della traduzione. Sappiamo che Elsa Morante intratteneva un rapporto ambivalente con le immagini – ben tre volte l’autrice cominciò e abbandonò il progetto di realizzare script cinematografici (3) . Collaborò ugualmente con Franco Zeffirelli e esercitò un forte ascendente su Pier Paolo Pasolini. Nel 1962, Damiano Damiani realizzò un’adattazione cinematografica de L’Isola d’Arturo (4) , che le piacque poco. Il film, seppur decoroso, è un prodotto ibrido, non del tutto fedele né completamente indipendente dal romanzo. Elsa Morante è perturbata dalla lettura moralistica della relazione padre-figlio e dalla scelta degli interpreti. Dichiara: « Il film che Damiani ha fatto dell’Isola di Arturo è bello, ma i personaggi sono cambiati. Il padre, ad esempio, è visto come un cattivo. Io invece non posso giudicare male i miei personaggi, ho bisogno di perdonarli prima di descriverli. » (5)
Le immagini di Pierre Marie Drapeau Martin scorrono su un binario parallelo a quello della narrazione e conservano una delicatezza infantile che colpisce. A tratti malinconiche o giocose, additano al loro soggetto senza nominarlo e senza l’ombra di un giudizio. Vogliono evocare la fascinazione del protagonista per la propria isola, la percezione dei suoi stati d’animo, e non ricostituire il romanzo nella sua interezza. Ne risulta una costellazione di immagini diverse, tra paesaggio e ricordi d’infanzia. Ogni ricordo ci riporta al passato, e la memoria diventa qui prova di un divario. L’allontanamento si esplicita al momento dell’epilogo, quando, abbandonando Procida, Arturo chiede a Silvestro di risparmiargli l’ultima immagine dell’isola. L’Île d’A. rispetta questa volontà e termina con una fotografia del cielo, realizzata durante un volo aereo. Omaggio indiretto al regista più vicino a Elsa Morante, Pier Paolo Pasolini, e al suo cortometraggio Che cosa sono le nuvole? (6) : dopo uno spettacolo, le marionette Otello e Iago vengono gettate in una discarica e osservano per la prima volta il mondo al di fuori del teatro. Le nuvole, oggetti affascinati e intoccabili, catturano istantaneamente il loro sguardo. Non conosciamo il destino di Arturo al di fuori di Procida, ma possiamo immaginare lo stesso stupore sensibile davanti alla realtà.
Carolina Zaccaro
Parigi, marzo 2017
(1) La Stanza Separata, Cesare Garboli, Mondadori, Milano 1969 p.1
(2) L’isola di Arturo, Elsa Morante, Giulio Einaudi Editore, Torino 1957
(3) Elsa Morante si dedicò al trattamento dello script de Il diavolo (1939), Miss Italia (1949) e Verranno a te sull’aure (1957). Nel primo caso, l’autrice stessa abbandono il progetto. Il resto dei suoi script fu giudicato poco commerciale e non venne mai prodotto.
(4) L’isola d’Arturo, Damiano Damiani, 1962
(5) L’espresso, Andrea Barbato, 1962
(6) Che cosa sono le nuvole? Pier Paolo Pasolini, 1967